Face aux contraintes de son
époque, l’être primitif d’antan avait un souci : comment vivre ? Il
était conscient que sa survie était liée à la domination des autres créatures.
La loi de la jungle lui procure la recherche des moyens pour contrôler la
nature. Son bonheur se résume dans l’exercice d’un certain diktat sur les
autres puissances. En effet, l’homme primitif se trouve devant un dilemme le
seul accordé : vaincre ou périr. Nous pouvons dire que son eudémonisme est
tributaire d’une certaine sécurité. Vivant
ainsi pour un seul but, le primitif ne s’enquiert guère sur d’autres
possibilités de l’existence. Raison pour laquelle le bonheur était quasi facile
à atteindre. Il suffit d’être sécurisé pour être heureux. La conscience autoréflexive
du primitif n’est pas encore développée. Il est à noter que le grand défi à
cette ère était de manier à leur faveur l’élément du feu. A la fois gagné, ce
défi devenait une source d’une expérience optimale, d’une harmonie intérieure. De
ce qui précède, il est à noter que le primitif a réussi à réaliser son bonheur.
Vaincre la nature était pour lui un projet de vie.
Avec l’avènement de la
philosophie grecque le bonheur est pensé à travers des microscopes distincts. Selon
Socrate, la quintessence du bonheur réside dans l’âme sereine en dehors des richesses matérielles et
sensorielles. Cette approche socratique est plus ou moins sophiste. Elle
accorde créance à ce qui relève de l’idéel. En outre, on trouve qu’Épictète
invite ses disciples à faire une distinction entre les choses qui dépendent de
l’individu et celles qui n’en dépendent pas. Se doter de cette sagesse permet
de composer avec les vicissitudes de la vie. D’autres philosophes comme Sénèque
appellent à maîtriser la colère, à s’immuniser contre l’effervescence des
sentiments. Le bonheur philosophique met en valeur la vie soit en la jugeant
passagère soit en faisant d’elle un moment irréversible.
Mais quid donc de
l’homme d’aujourd’hui ? Son bonheur est-il réalisable ? Son bonheur
n’est-il pas une illusion d’optique ? Balloté entre les forces naturelles, les
forces idéelles et les forces scientifiques, l’homme du 21ème siècle
se sent perdu. La technologie lui promet un avenir brumeux. La philosophie le
contraint à s’isoler dans sa fourrure dorée. La religion le châtie pour un
au-delà perpétuel. L’homme moderne est alors tout sauf heureux. Nonobstant,
quelques pistes rares semblent offrir une ataraxie existentielle. Csikszentmihalyi
MIHALY, l’une des figures de proue de la psychologie positive, traite la
question du bonheur tout en essayant de joindre l’utile à l’agréable.
L’approche de Mihaly
fait florès depuis qu’elle a intérêt à la conscience de soi. Face aux grandes
gageures de la vie, il est sine qua non de tracer un chemin de réussite. Il
fallait se concentrer sur un projet de vie où l’harmonie intrinsèque dame le
pion. Ceci-dit, Mihaly propose ce qu’il appelle « une expérience optimale ». Elle
suppose un regard philosophique envers l’existence. En fait, c’est une
invitation à faire de tribulations de la vie des défis. Jules Evans avance dans
le même sens que « Les situations difficiles peuvent être
considérées comme des chances déguisées d’expérimenter notre liberté intérieure. »
(Jules Evans, la philo c’est la vie, ©Jules Evans, 2012).
L’idée sui-generis de
Mihaly est de motiver un certain enchantement intérieur de l’âme indépendamment
des anicroches dissuasives. Pour ce
faire, l’individu doit s’engager dans un projet de sa vie qui prouve son
autonomie. Cette autonomie est tributaire d’un travail intellectuel, d’une utilisation
sage des loisirs, et d’une aptitude à convertir les éléments destructeurs en
éléments positifs.
Le projet de vie dont
parle Mihaly est calqué sur le projet existentiel de Sartre. Tous les deux
convergent sur l’idée que l’homme se prend en main, c’est-à-dire à se voir
comme responsable de ces choix. Une fois pris, ses choix doivent faire preuve
d’un certain engagement. Ainsi, s’engager dans un projet stipule qu’un nombre
de buts entre en lice. C’est là où la philosophie intervient pour diriger les désirs.
En effet, l’homme heureux parvient à surestimer les joies de l’esprit au
détriment des joies sensorielles. Mihaly déclare que : « Les
grands penseurs ont toujours été motivés beaucoup plus par les joies de
l’esprit que par les
récompenses matérielles ».